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07 mai 2024 •

8 min de lecture

L'impact des locations Airbnb sur les communautés rurales et urbaines

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En moins de deux décennies, la location à court terme a profondément transformé l'industrie hôtelière, arrachant [en anglais] ainsi 15 % de part de marché aux hôtels. D'un pionnier engageant de l'économie du partage à un mastodonte de 100 milliards de dollars, Airbed and Breakfast (matelas pneumatique et petit-déjeuner), mieux connu sous le nom d'Airbnb, a, depuis ses débuts en 2007, révolutionné l'hôtellerie, créant ainsi un tout nouveau marché dans son sillage. Mais en quoi l'arrivée en ville d’Airbnb affecte-t-elle la communauté ? Dans ce deuxième article de notre série en trois volets, nous examinerons en profondeur l'impact des locations à court terme, notamment Airbnb, et la réaction des communautés.

Paris s'apprête à réglementer les locations à court terme

Au début, les locations à court terme étaient censées représenter un sérieux défi pour les hôtels. Cependant, dans leur étude de 2017 [en anglais] la Dre Inès Blal et la Dre Cindy Heo de l'EHL Hospitality Business School, en collaboration avec Miju Choi de l'Université de Leeds Becket, ont constaté qu'« à mesure qu'Airbnb gagnait en popularité et développait son offre, les locations étaient moins rentables pour leurs hôtes ». Après la ruée vers l'or, les bénéfices des hôtes ont, en grande partie, atteint un plateau. Leurs données font état d'un taux d'occupation de 80 % pour les hôtels contre 55 % pour les locations à court terme sur la période 2009-15 malgré une explosion de l'offre de chambres dans les hôtels 4 et 5 étoiles.

Selon une analyse de la Deutsche Bank, la rentabilité des hôtels, mesurée sur la base du revenu par chambre disponible (RevPar), s'est « maintenue » sur la période. Celle-ci a conclu que, dans l’ensemble, « les deux produits n'étaient pas en concurrence directe ». Cette étude a brisé le mythe selon lequel les hôtels parisiens étaient pilonnés par les locations à court terme. En effet, « nous ne nous sommes jamais considérés comme en concurrence avec les hôtels », déclarait David Whiteside, directeur mondial de l'exploitation chez Onefinestay, société de locations à court terme de luxe acquise par Accor Hotels en 2006, à Elaine Glusac du New York Times, en début d’année.

De quelle manière les hôtels ont-ils réagi ? En bref, les hôtels ont commencé à ressembler davantage à des locations à court terme (par exemple, chambre pour travailler à distance, etc.) tandis que les locations à court terme (LCT) ont commencé à ressembler davantage à des chambres d'hôtel (par exemple, services de conciergerie, etc.). De nouveaux entrants sur le marché, tels que VRBO, contestent la suprématie d'Airbnb. En répertoriant les LCT sur leurs plateformes géantes, les agences de voyages en ligne (OTA), dont Booking.com et Expedia.com, sont également devenues des concurrents.

Si l'industrie hôtelière n'est pas vouée à l'échec en raison des LCT, qui en pâtit ? En bref, les villes.

En 2022, quelque 44 millions de touristes ont visité Paris, faisant ainsi de la ville la destination la plus populaire au monde. Pour un responsable local, Airbnb a été une « catastrophe » [en anglais] pour le centre-ville. Et la Ville Lumière a pris des mesures agressives pour réglementer l'industrie. Les hôtes, qui peuvent louer leur résidence principale pour un maximum de 120 jours par an, doivent enregistrer leur location auprès de la mairie. Les amendes peuvent être salées. L’application de ces règles reste toutefois une question ouverte.

 

Un ressentiment croissant à l'égard de l'économie du partage

Pour beaucoup, la bonne volonté initiale envers l'économie du partage s'est érodée et le ressentiment s'est accru. Airbnb, comme ses contemporains de l’économie P2P (par exemple Uber, Doordash et leurs semblables), fait office d'intermédiaire, facturant ainsi aux clients des commissions jugées exorbitantes. « Mais Airbnb subit également d'autres formes de ressentiment qui ne suscitent peut-être pas moins de détestation, mais une hostilité différente, potentiellement plus difficile à résoudre pour l'entreprise », selon un article du New York Times [en anglais]. En d'autres termes, même les non-utilisateurs subissent les inconvénients d’Airbnb sous la forme de loyers plus élevés, de « voisins » de passage et de détérioration du tissu social de leurs communautés.

À New York, qui lutte contre les LCT au nom du logement abordable, les inscriptions ont chuté de 77 %, selon AirDNA, depuis la mise en place de restrictions. Mais les réglementations ralentiront-elles, sur le long terme, la gentrification [en anglais] galopante, « éternel problème » des villes ? Inside Airbnb, qui se décrit comme un « projet axé sur une mission fournissant des données et un plaidoyer sur l'impact d'Airbnb sur les communautés résidentielles », a compilé des données qui exposent visuellement [en anglais] l'étendue de la présence des LCT dans diverses villes. En 2022 [en anglais], la ville comptait plus de LCT que d'appartements à louer à long terme, réduisant ainsi les options, notamment pour les familles.

EHL Research (en anglais)  Funded Research Projects  Faculty members conduct applied hospitality research in a variety of  managerial disciplines. Researchers tackle applied research questions for the  benefit of the industry while simultaneously contributing to excellence in  hospitality research.  Discover our latest projects

L'expansion d'Airbnb à la campagne

Pour Jamie Lane, vice-président senior de l'analyse et économiste en chef chez AirDNA, société qui analyse les données d'Airbnb, « nous avons observé la plus forte demande dans les villes de petite et moyenne importance, les zones côtières et montagneuses et en dehors des grands centres urbains », où les hôtels se font généralement rares. Dans la Grande-Bretagne rurale [en anglais], les destinations lointaines sont désormais à portée de main, offrant ainsi un point de chute aux voyageurs comme, par exemple, les randonneurs.

Conscient du marché potentiel, Airbnb a même créé un filtre pour les locations à la campagne. Son expansion commerciale dans la France rurale a insufflé une nouvelle vie à des villages et des villes endormis qui ne disposent pas d'attractions majeures, comme une station de ski ou une ville balnéaire, pour attirer les touristes. Les responsables locaux espèrent surfer sur la vague post-pandémique dans la campagne bucolique de France.

 

« Fondamentalement un Airbnb géant » : une ville faite pour la location à court terme

Poussés hors des villes par la pandémie, de nombreux individus parmi les plus aisés se sont rués sur des résidences secondaires dans le pays. Lorsque l’inflation a frappé, nombreux sont ceux qui ont cherché à monétiser leur placement pour en faire un revenu supplémentaire. Par exemple, l’offre de LCT aux États-Unis pour octobre 2022 a bondi de 23,3 % par rapport à octobre 2021. « C’est une croissance massive », a déclaré M. Lane, bien que les réservations au cours de la même période aient chuté de 6 %. Toutefois, offre accrue n'est pas synonyme de demande accrue.

Une ville lacustre de la campagne de l’Oklahoma a poussé les choses à l’extrême. « Airbnb a construit cette ville à 100 % », déclare le maire de Hochatown [en anglais], où les LCT sont passées de 400 à 2 400 au cours des cinq années qui ont suivi la pandémie. « La ville est essentiellement un Airbnb géant », a déclaré David Francis, responsable gouvernemental. La station balnéaire créée à partir de rien (mais à proximité tentaculaire de Dallas, au Texas) est en difficulté en raison de profits qui ont primé sur la planification ou les infrastructures.

La population de la ville explose de 219 à quelque 50 000 habitants le week-end et pourtant, par exemple, elle ne dispose toujours pas de sa propre force de police. Les infrastructures hydrauliques font cruellement défaut. Et, pour beaucoup, la bulle a déjà éclaté. Depuis son apogée, les taux d’occupation sont tombés à 40 % et, après une hausse astronomique, les prix de l’immobilier ont chuté, laissant ainsi les résidents et les investisseurs craindre le pire.

 

Les locations à court terme par rapport au logement abordable

À Malaga, les résidents espagnols ripostent. Des autocollants, placardés [en anglais] devant les immeubles où des logements unifamiliaux ont été convertis en Airbnb, délivrent aux touristes les messages suivants : « Rentrez chez vous », « Une famille vivait ici » ou « Attaque contre les citoyens de la ville ». Le logement est une préoccupation majeure pour les habitants qui, selon Dani Romero, fondateur involontaire du mouvement, en ont assez : « Ce sont les voisins qui en ont assez parce que c’est une question qui nous concerne absolument tous ».

Romero, comme beaucoup d'autres, a été évincé de son appartement par un propriétaire qui a transformé l'espace en location à court terme. Professionnel en activité, Romero s'est rendu compte qu'il ne pouvait plus se permettre un appartement en ville. Il s’agit de l’un des innombrables récits édifiants qui reflètent à quel point l'économie du partage a rendu le logement inabordable dans les villes.

 

De super hôte à leader communautaire

Renonceriez-vous à un salaire mensuel de 12 000 $ ? C’est exactement ce qu’a fait Precious Price, originaire d’Atlanta, en Géorgie. Elle a commencé en 2019 en louant sa maison lors de ses déplacements professionnels. Jeune femme de couleur issue d'un milieu modeste, elle s'est progressivement constitué un portefeuille de LCT qui lui rapportait un revenu annuel à six chiffres. « Chacun a sa propre boussole éthique et la mienne ne correspondait tout simplement pas à ce que je faisais », a-t-elle déclaré au New York Times [en anglais].

Sa décision est intervenue après avoir refusé des locataires potentiels qui cherchaient un logement à long terme. Elle s'est retrouvée en « première ligne » de la crise du logement et les gens, y compris les mères célibataires et les étudiants, qu'elle écartait au profit de vacanciers aisés ressemblaient aux membres de sa propre famille élargie. En un tour de main, elle a réalisé ce qu’elle devait faire. Elle loue désormais ses biens immobiliers à long terme et est devenue une défenseure des mini maisons [en anglais] et d'autres formes de logements abordables. Bien que ses revenus aient considérablement diminué, elle déclare être plus épanouie.

 

#Airbnbust

Ces dernières années, Airbnb a souffert d'une litanie de problèmes très médiatisés : des vols qualifiés [en anglais], des caméras de sécurité [en anglais], un problème de devises en Australie [en anglais], une action en justice par rapport à une interdiction à New York [en anglais], des Airbnbs illégaux à Manhattan [en anglais], une interdiction d'organiser des fêtes [en anglais], une évacuation sans cérémonie [en anglais] hors de Chine, les soi-disant arnaques [en anglais], l'impact sur le logement abordable, les sous-locations d'appartements, la colère à l'égard des hôtes professionnels, l'aide au tourisme « éclair », etc. Plus important, peut-être, la surabondance du marché a conduit à une baisse des bénéfices pour de nombreux hôtes, donnant ainsi naissance au terme « airbnbust » [en anglais]. La société est même devenue du pain bénit pour les comédiens [en anglais]. Il peut s'agir d'événements isolés mais, pris ensemble, ils brossent un tableau peu recommandable de l'entreprise.

Alors, où cela nous mène-t-il ? Pour 2024, les rapports indiquent que le marché des LCT de 64 milliards de dollars se « stabilise » au lieu d’entrer dans une période de déclin à long terme. Aubaine pour certains, fléau pour d’autres, la location à court terme, Airbnb en tête et absorbant les plus gros coups, restera, sans nul doute, une part importante du paysage hôtelier sous une forme ou une autre.

Écrit par

Associate Professor of Revenue Management at EHL

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