La récente hausse des taux d'intérêt en réponse à l'inflation grandissante, a amorcé un tournant dont les répercussions sur l'endettement des pays en développement pourraient être profondes et durables.
Pays en développement : la hausse des taux entraînera des conséquences majeures
Les FED, BCE, BNS et consorts ont inversé leur politique de taux d'intérêt bas, déclenchant une ère de financements plus coûteux. Ce revirement met en lumière les défis économiques et financiers auxquels sont confrontés les pays en développement, particulièrement en Afrique. Les nombreux pays de ce continent auront profité de conditions de financement avantageuses pendant près de quinze ans. Un revirement de situation qui représente une double peine : non seulement la confiance en leur solvabilité s'érode, mais les coûts de financement de ces Etats augmentent.
Ces économies fragiles se retrouvent dans une position précaire. Un rapport de la Banque mondiale faisait état d’une augmentation de 5 % des montants versés par les États à revenus faibles et intermédiaires pour honorer leurs échéances en 2022. Plus alarmant encore, le nombre de défauts de paiement : 18 pays ont fait défaut (au moins partiel) sur leurs dettes ces trois dernières années, dont des géants comme le Ghana, le Liban, ou l'Argentine.
D’autres pays sont en difficulté inquiétante et ont déjà engagé des restructurations de dette avec leurs créanciers, autrement dit un défaut de paiement organisé.
Évidemment, le fait de ne pas honorer ses engagements pose un problème de crédibilité sur le marché de la dette, à court et moyen terme. Cette défiance d’applique de fait aux pays qui se retrouvent en cessation de paiement.
Mais les créanciers, échaudés, regardent aussi les pays qui honorent leurs échéanciers avec une certaine suspicion. Par principe de précaution, ces derniers peuvent se voir refuser le renouvellement d’importantes lignes de crédit arrivant à échéance, mettant ainsi à mal leur situation financière.
La menace du mur de la dette
Les pays en développement, comme les autres, ont fait le pari de rembourser les dettes passées par le biais de nouvelles dettes. Si cette stratégie peut s’accommoder de légères augmentations de taux, la situation actuelle les contraint à une augmentation insoutenable des frais financier. À titre d’exemple, le Bengladesh se finançait à 8% en avril 2020, c’est aujourd’hui 4 points de plus aujourd’hui (spread d’obligation à 10 ans). Ce pays est pourtant loin d’être un mauvais élève. Il a vu son revenu annuel moyen par habitant quadrupler en 15 ans et affichait une croissance dynamique de 6% en 2023. Une situation parmi d’autres qui illustre que tous les pays à faible revenu sont affectés, peu importe leur situation conjoncturelle.
En plus des charges de la dette, les montants à rembourser sont colossaux. Au Pakistan, Sri Lanka et en Thaïlande, il faudra décaisser en 2024 et 2025 plus de 20% du PIB. Pour imager, du 1er janvier au 15 mars, ces pays produisent des richesses dans le seul but de rembourser leurs dettes.
Restructurations de la dette et défis à venir
Face à ces situations insoutenables à moyen terme, certains pays ont déjà entamé des processus de restructuration avec leurs créanciers : une démarche souvent perçue comme l’imminence du défaut de paiement. La situation est d'autant plus précaire que l'augmentation du dollar, conséquence de la hausse des taux d'intérêt par la Fed, renchérit le coût des remboursements pour ces dettes, majoritairement libellées dans la devise de l’oncle Sam.
Finalement, la fermeture du robinet à liquidités oblige les pays en développement à repenser leur politique en matière de dépenses publiques, quitte à faire des choix difficiles. Le risque est grand de sacrifier des services essentiels comme la santé, l'éducation ou les dépenses de développement.
La solution ne peut venir que de la communauté internationale. Il faudrait faire plus pour aider ces pays avec des aides pécuniaires et un apport de garanties sur les financements à vocations essentielles. En parallèle, il serait pertinent de conditionner ce soutien à une gestion plus efficace des dépenses de fonctionnement, et à des progrès tangibles dans la lutte contre la corruption. En effet, les pays en développement trustent souvent les premières places dans le triste classement des nations les plus touchées par ce fléau.
En attendant, les populations de ces pays déjà vulnérables, sont victimes d’une situation qui les dépassent.