Lorsqu'une méthode de cuisson rime avec goût, santé et efficacité, elle ouvre d'innombrables possibilités aux professionnels de la restauration et aux amateurs. En 12 questions-réponses, cet article vous donne les clés pour comprendre et maîtriser la cuisson sous-vide à une température précise.
L'objectif de la "cuisson" est de transformer les aliments par la chaleur, en modifiant les propriétés fonctionnelles de leurs composants et en améliorant ainsi leur goût (arômes et saveurs), leur texture, leur couleur, leur tendreté et leur digestibilité.
Le second objectif de la cuisson est d'assurer la sécurité et la durabilité des aliments.
"En matière de cuisine, cherchez ce qui est bon au goût et vous obtiendrez ce qui est bon pour la santé.
Bruno Goussault, scientifique en chef chez Cuisine Solutions
La cuisson à basse température est une technique qui consiste à cuire les aliments à une température plus basse que celle traditionnellement utilisée, mais pendant une durée plus longue, afin d'obtenir une meilleure texture et une meilleure jutosité. La cuisson à basse température est généralement opposée à la cuisson traditionnelle à haute température.
La cuisson à température précise est une technique de cuisson à une température à cœur précise, obtenue en plusieurs étapes dans des environnements à température décroissante.
La cuisson à basse température est différente de la cuisson à température précise et n'a pas la précision et la rigueur de cette dernière. Elle suit les tendances actuelles, en utilisant des températures qui peuvent parfois s'avérer dangereuses. Plus bas que bas, on ne sait pas où s'arrêter : la limite de 52°C, point de départ de la destruction des formes végétatives des bactéries pathogènes, est mal connue, ce qui inquiète les autorités en charge de l'alimentation et de l'hygiène.
Pour les viandes et poissons servis crus ou cuits en dessous de cette température de 52°C, que j'appelle "sushi chaud", les aliments doivent être utilisés très frais et servis immédiatement après leur préparation, ce qui n'est pas toujours le cas dans certains restaurants où les plats sont préparés à l'avance et laissés au repos avant d'être servis.
La viande ou le poisson cuits à basse température ne sont pas nécessairement intéressants d'un point de vue sensoriel, car ils ont tendance à être complètement mous. En revanche, une cuisson à juste température permet d'obtenir une texture avec de la mâche à l'extérieur, tout en gardant une texture moelleuse et fondante à l'intérieur.
D'une manière générale, le goût d'un aliment est préservé jusqu'à 66°C pour les produits animaux (viande, poisson) et 83°C pour les produits végétaux. Une exception est faite pour les cuisses de volaille, qui restent juteuses jusqu'à 74°C.
L'eau est le meilleur fluide caloporteur et se règle facilement au 1/10e de degré près, ce qui permet un contrôle précis de la température de cuisson. Bien sûr, il faut envelopper le produit que l'on veut cuire pour que l'eau ne le dénature pas, et pour cela, on lui met une seconde peau.
Aujourd'hui, cette peau est un sac en plastique dans lequel on fait le vide pour que le film adhère au produit et que le transfert de chaleur avec le bain de cuisson soit optimal. C'est la base de la technique de cuisson sous vide. C'est une technique exigeante, qui nécessite des investissements en matériel, mais qui offre de nombreux avantages.
Pour obtenir les résultats visuels et gustatifs souhaités, les chefs et les cuisiniers amateurs doivent comprendre les propriétés fonctionnelles d'un aliment, et donc l'utilité du produit dans leur recette.
Les propriétés fonctionnelles ont une relation directe avec les propriétés sensorielles.
Prenons l'exemple d'un œuf. L'œuf possède 4 propriétés fonctionnelles principales intéressantes en cuisine :
Lors de la cuisson, les aliments perdent de l'eau et donc de la saveur.
Par exemple, lorsque la blanquette de veau est cuite de manière traditionnelle, c'est-à-dire dans de l'eau bouillante à plus de 95°C, la viande perd sa saveur, qui passe dans l'eau de cuisson.
Si on la cuit selon la technique de la "cuisson sous vide à température précise", à 66°C à cœur, la viande conserve une grande partie de son eau. La petite quantité de jus peut alors être récupérée et utilisée pour faire un roux, apportant ainsi les éléments de saveur pour une sauce. Le roux utilise la propriété fonctionnelle de l'amidon, qui gonfle dans un liquide et gélifie les éléments gustatifs.
La cuisson à la juste température permet d'obtenir des propriétés sensorielles de qualité (texture, couleur, jutosité) avec des morceaux de viande qui sont généralement destinés à être transformés en viande hachée, à être utilisés pour l'alimentation des animaux domestiques ou à être jetés.
La cuisson sous vide d'un plat de côtes de bœuf pendant 72 à 120 heures (selon la qualité de la viande) à 56°C permet d'obtenir des valeurs gustatives similaires à celles des meilleurs morceaux. Un chef peut ainsi proposer une assiette composée de différents muscles de bœuf cuits à la bonne température (filet, joue, jarret, etc.), réduisant ainsi les coûts de production tout en offrant une expérience gustative incomparable.
La cuisson sous vide est à la cuisine ce que le cinéma est au théâtre ! Elle est reproductible et offre la même performance à chaque fois, ce qui facilite l'obtention du résultat souhaité et améliore la gestion des coûts alimentaires.
De très bons résultats sont obtenus lorsque les aliments cuits sous vide à la bonne température sont conservés dans leur sac de cuisson en chambre froide à 1-3°C, afin de préserver leur pasteurisation.
J'espère pouvoir démontrer que des carottes cuites à 83°C peuvent être conservées jusqu'à 1 an sans perdre leur goût.
Le contrôle de la température est important, certes, mais il ne faut pas oublier que la sécurité alimentaire ne commence ni ne s'arrête là. Les agents pathogènes peuvent apparaître bien avant que vous ne commenciez à cuisiner. Ils peuvent être présents sur les surfaces de la cuisine, les équipements ou même dans l'air bien avant que les aliments ne soient mis dans le sac.
La cuisson à la bonne température élimine bon nombre de ces risques, mais si des agents pathogènes sont laissés sur vos outils de cuisine, c'est un énorme problème. En matière de contamination, il faut voir les choses dans leur ensemble. Bien entendu, une hygiène rigoureuse et un assainissement complet font également une réelle différence dans la préservation de la sécurité des aliments.
Mario Hupfeld, directeur technique et cofondateur de NEMIS Technologies
Par rapport à la cuisson à basse température, celle-ci est essentielle pour la sécurité alimentaire, car elle permet de tuer les bactéries et les parasites nocifs qui peuvent provoquer des intoxications alimentaires. Des conditions de temps et de température très précises doivent être respectées.
La technique du sous-vide permet d'éviter les risques de contamination lors du stockage après la cuisson, puisque l'aliment peut être conservé dans son sac de cuisson, sans être ouvert, jusqu'à son utilisation.
Le sous-vide permet de préserver les nutriments des aliments grâce à son sac de conservation, qui empêche la dilution des vitamines et des minéraux dans l'eau ou la graisse de cuisson. De plus, alors que les températures élevées entraînent souvent une destruction importante des vitamines, réduisant ainsi la valeur nutritionnelle des aliments, une cuisson à la bonne température est moins agressive pour le produit.
Cependant, la dégradation est fonction non seulement de la température, mais aussi du type de nutriment et du temps de cuisson. Des chercheurs ont montré que dans certains cas, la cuisson à haute température permet de préserver davantage de nutriments.
La cuisson à température précise apporte des solutions innovantes aux contraintes des cuisines professionnelles.
Par exemple, la cuisson à la bonne température étant lente et précise, une solution innovante pour optimiser l'utilisation des infrastructures est de cuisiner la nuit, ou entre deux services, sans nécessiter la présence d'un chef.
Autre exemple : les règlements sanitaires imposent aux cuisines collectives d'utiliser des œufs pasteurisés, ce qui les empêche de fabriquer des mayonnaises maison. Chefs et chercheurs se sont demandé s'il était possible de faire une sauce émulsionnée avec un jaune d'œuf pasteurisé à 63,2°C pendant au moins 45 minutes. J'ai montré qu'il est possible de réaliser une telle sauce par une cuisson à température précise, non seulement avec l'"œuf parfait", mais aussi avec l'"œuf d'argile", ce qui ouvre des possibilités intéressantes pour les cuisiniers de la restauration.
L'œuf en terre cuite est une technique culinaire que j'ai mise au point. Elle consiste à cuire un œuf dans sa coquille à une température constante de 63,2°C pendant 90 minutes. Cette cuisson lente permet aux protéines de l'œuf de coaguler en douceur, ce qui donne au jaune d'œuf une texture proche de la pâte à modeler lorsqu'il est manipulé à froid.
La cuisson sous vide à la bonne température permet de gérer plus finement l'utilisation des aliments cuits. En effet, tant qu'ils sont dans leur sac de cuisson fermé, la durée de conservation est fortement augmentée.
De plus, selon le style de restauration, il est possible de préparer des portions individuelles, ce qui réduit considérablement le gaspillage lors de l'utilisation.
Le bain de cuisson doit être supérieur de 2°C à la température finale souhaitée à cœur.
La cuisson du poisson est plus délicate que celle de la viande, car la forme et l'épaisseur des filets ne sont pas homogènes, et la chair est plus fragile à travailler. Mais une technique de cuisson bien maîtrisée donne des résultats très intéressants.
Surtout si l'on utilise le système de salage en saumure liquide que j'ai mis au point. Il permet de contrôler la pression osmotique dans les myotomes du poisson avant la cuisson, ce qui donne au filet une belle texture et un aspect nacré.
La cuisson des légumes à la bonne température nécessite une approche différente de celle de la viande, car les structures cellulaires sont très différentes. La bonne température à cœur pour les légumes est généralement de 83°C pour une texture "al dente", et de plus de 85°C pour une texture fondante.
La dégradation de l'amidon, dont l'hydrolyse est indispensable à la digestion, commence vers 78°C.
La mode des légumes "al dente" conduit souvent certains chefs à proposer des légumes cuits trop rapidement à l'ébullition ou à moins de 78°C, ce qui les rend particulièrement difficiles à digérer. En tenant compte des deux paramètres de température précités, la cuisson sous vide à la bonne température permet d'obtenir un bon équilibre entre digestibilité et texture.
Les légumes cuits sous vide à la bonne température peuvent être conservés pendant 40 jours en chambre froide, si les différents paramètres de cuisson, de refroidissement et de conservation sont respectés avec précision.
A noter que pour les légumes verts, la cuisson à juste température (83°C) ne permet pas de conserver la couleur verte, liée à la chlorophylle qui se dégrade sous l'effet de la chaleur et du temps.
Enfin, les nutriments tels que les vitamines n'évoluent pas de la même manière lors de la cuisson. Leur dégradation varie en fonction du temps de cuisson et de la température. Si l'on veut préserver une vitamine plutôt qu'une autre, il faut choisir le bon mode de cuisson. Des recherches sont actuellement en cours à l'Institut de R&D en nutrition de l'EHL pour définir plus précisément ces phénomènes.
A noter que les températures et les temps de cuisson ne s'appliquent pas aux légumes-fruits, tels que les aubergines, les concombres, les courgettes et les tomates. Pour ces dernières, les durées sont très variables en fonction de leur degré de maturité.
La cuisson sous vide à des températures précises, fruit de l'application des connaissances scientifiques à l'art culinaire, offre un large éventail de possibilités aux cuisiniers de tous niveaux. Grâce à la créativité des cuisiniers et à l'expérimentation des chercheurs en nutrition, les propriétés des aliments cuits à la bonne température continueront d'ouvrir la voie à de nouvelles expériences sensorielles.
Cet article est issu des discussions de la première conférence sur la cuisson à température précise, organisée par l'Institut de recherche et développement en nutrition de l'EHL et les Chefs et experts en arts culinaires de l'EHL, avec les contributions scientifiques et techniques du Dr Bruno Goussault, expert mondial en cuisson à température précise, et d'Alain Briquet, Chef et ancien ingénieur en restauration collective.