Etat d'esprit durabilité

23 novembre 2023 •

7 min de lecture

Adopter un état d’esprit de durabilité dans le monde de l’entreprise

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Le concept de durabilité d’entreprise n’est pas nouveau, mais comment développer le type de réflexion approprié permettant d’intégrer correctement les pratiques de durabilité dans les entreprises ? Nous nous sommes entretenus avec Noémie Danthine, responsable des services d’hospitalité durable à l’EHL, afin de découvrir combien il est judicieux pour chaque chef d’entreprise d’adopter un état d’esprit de durabilité.

Assurer un avenir durable

En 1987, la Commission Brundtland des Nations Unies a défini la durabilité comme « un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes, sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins ».

Au cours des 36 années qui ont suivi, il est juste de dire que la race humaine n’en a pas fait assez pour s’y conformer. Aujourd’hui, les bouleversements climatiques sont devenus une urgence, une crise énergétique mondiale met en évidence notre dépendance continue à l’égard des ressources qui anéantissent la planète et les jeunes générations sont, à juste titre, en colère contre la pagaille semée par leurs aînés. Il faut en faire davantage – et rapidement.

Pourtant, selon un rapport de l’ONU de 2019, alors que 92 % des PDG estiment que la durabilité est importante, seuls 48 % trouvent les moyens de mettre en œuvre des mesures de durabilité. Cela est corroboré par une Enquête de Deloitte de 2022 qui a révélé un décalage entre les ambitions et les actions liées aux pratiques de durabilité dans les entreprises. Par exemple, bien qu’un tiers des plus grandes sociétés cotées en Europe se soient engagées à atteindre le zéro net d’ici 2050, seulement 9 % sont bien placées pour y arriver.

Ce n’est pas suffisant ; non seulement cela aura un impact sévère sur la planète et ses habitants, mais aussi sur les entreprises en tant que telles.

« La durabilité est désormais l’affaire de tous », explique Noémie Danthine, responsable des services d’hospitalité durable à l’EHL.

 

Personnes, planète, profit

En ce qui concerne cette définition de la durabilité de l’ONU, les « besoins » qu’elle mentionne ne sont pas seulement environnementaux, mais aussi sociaux et économiques et peuvent être résumés de manière percutante par l’expression souvent citée « personnes, planète et profit ». C’est cette définition large qui guide la stratégie de durabilité de l’EHL. Sous la rubrique Contribuer au-delà de l’éducation, l’engagement de l’EHL en faveur de la durabilité a quatre objectifs principaux :

  • Intégrer la durabilité dans l’éducation,
  • Prendre soin de son personnel,
  • Apporter sa contribution aux communautés locales et
  • Respecter l’environnement.

L’action à mener à travers ces quatre piliers – résumée dans le Rapport social et environnemental de 2022 – comprend : la mise en œuvre d’un cours obligatoire sur la durabilité dans l’entreprise pour les étudiants en année préparatoire ; l’élaboration d’un plan en faveur de la diversité et de l’inclusion ; le partage des compétences de l’EHL avec la communauté en organisant, dans un restaurant local, des masterclasses axées sur la réinsertion professionnelle ; et la formulation d’un plan climatique pour des objectifs écologiques à long terme tels que la réduction supplémentaire de la consommation d’énergie, des déchets et de la consommation d’eau.

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Les avantages des pratiques de durabilité

Les avantages de tout cela pour les personnes et la planète sont évidents, mais comment ces mesures augmentent-elles les profits d’une entreprise ? En termes simples, explique Noémie, si vous réduisez votre consommation d’énergie, vous réduirez vos factures. Si vous veillez à diversifier davantage votre conseil d’administration, des études révèlent que votre entreprise s’en portera mieux financièrement. Et, à long terme, si vous ne faites rien pour contribuer à inverser la crise climatique, votre bel hôtel côtier pourrait finir submergé et vos profits emportés par les eaux.

En outre, ajoute-t-elle, les clients, les investisseurs et les employés cherchent de plus en plus à s’engager auprès d’entreprises durables. Des études indiquent que plus de 80 % des clients choisiront une marque présentant un bon bilan de durabilité, une étape salutaire pour de nombreuses personnes qui souhaitent que les entreprises fassent les choix responsables qu’elles-mêmes ont du mal à entreprendre sur le plan personnel, estime Noémie. Dans le même temps, un rapport de 2019 a constaté que plus de 70 % des employés des grandes entreprises américaines choisissaient plus volontiers d’intégrer une société qui disposait d’un programme environnemental fort.

Tout aussi important, les gens veulent également travailler pour des entreprises qui prennent soin d’eux. « Des études révèlent que la durabilité sociale, la diversité, l’inclusion sont des valeurs importantes pour les entreprises », convient Noémie. « Et plus encore dans l’industrie hôtelière, où la fidélisation du personnel est si difficile. Les gens ne veulent pas travailler pour des entreprises d’un autre âge qui ne prennent pas soin de leurs employés. »

En plus de tout cela, si les entreprises ne suivent pas le rythme, elles se retrouveront probablement en difficulté lorsque la réglementation accrue les obligera de toute façon à changer.

En d’autres termes, la mise en place d’une stratégie commerciale durable n’est pas négociable si une entreprise veut survivre. « S’il ne s’agit pas d’une option pour les entreprises, il en va de même pour nos étudiants qui doivent l’acquérir comme une compétence », conclut Noémie.

Comprendre pourquoi c’est important est essentiel, mais agir l’est encore davantage. Comment les chefs d’entreprise peuvent-ils s’assurer que l’action est à la hauteur de l’ambition ? La clé consiste à adopter un état d’esprit de durabilité qui touche au cœur même de leur activité.

Mettre en œuvre un état d’esprit de durabilité dans une entreprise

« Avoir un état d’esprit de durabilité pour une entreprise suppose de penser au développement durable dès le départ, dès le démarrage d’un nouveau projet ou la création d’un nouveau plan d’affaires ou l’élaboration d’un nouveau produit », explique Noémie. « Et, de ce fait, tout suivra : vos processus suivront, votre stratégie suivra, votre personnel essaiera d’aller dans la même direction, la conception s’adaptera à cette façon de penser. C’est la conception au service de la durabilité. »

Il s’agit d’un changement radical par rapport à la pensée linéaire qui consiste à aborder la durabilité après coup : une approche qui ne fait que créer des obstacles ou déclencher des réactions en chaîne compliquées, déclare-t-elle. En revanche, y penser dès le début, en gardant à l’esprit l’économie circulaire, mène probablement davantage au succès.

Cela va de pair avec l’authenticité. Pour avoir un impact positif, les chefs d’entreprise doivent vraiment croire en ce qu’ils font et montrer l’exemple, déclare Noémie. « De nos jours, la principale accusation, brandie immédiatement et très souvent, lorsqu’il est question de durabilité, est le greenwashing ou écoblanchiment, mais si vous êtes authentique, je pense qu’il est plus facile de franchir le pas. Alors, joignez le geste à la parole, n’attendez pas des autres qu’ils entreprennent seuls les changements – montrez la voie. »

 

Passer au vert grâce à une bonne gouvernance

Dès qu’elle a adopté un état d’esprit de durabilité, la direction d’une entreprise peut s’orienter vers la création d’une stratégie pratique. « L’aspect gouvernance est important et souvent négligé », selon Noémie. « Assurez-vous de vous doter d’une politique d’achat en phase avec vos ambitions durables ; d’avoir ces conversations avec vos fournisseurs ; de leur demander des données ou que des tiers vous aident à les obtenir ; de disposer d’un code de déontologie et d’une politique sur la diversité et l’inclusion. »

Il est également essentiel d’évaluer correctement les progrès. « La seule solution pour comprendre les écarts entre l’objectif que vous souhaitez atteindre et votre situation actuelle est de vous mesurer. Et, ensuite, d’essayer de déterminer quels sont vos leviers pour réduire cet écart. C’est la partie qui est parfois difficile. »

Et il est essentiel de s’en souvenir. Adopter un état d’esprit de durabilité et mettre en œuvre une stratégie verte n’est ni quelque chose de facile, ni une solution miracle, souligne Noémie. C’est un voyage, et il y aura des hauts et des bas, des réussites et des échecs. « Donc, il faut être très transparent sur votre situation et vous donner le temps d’atteindre vos objectifs. En cours de route, vous pourriez être incohérent et cela pourrait conduire à des critiques et des accusations de greenwashing : tant que vous allez dans la bonne direction et que vous êtes honnête à ce sujet, ne laissez pas ces critiques vous faire échouer. Personne ne deviendra durable du jour au lendemain. »

 

L’engagement des employés dans le cadre de la stratégie de base

La meilleure façon de survivre au voyage est de faire participer tout le monde. L’élaboration d’une stratégie de durabilité concerne l’ensemble de votre communauté, explique Noémie ; ce n’est pas un travail vertical. En identifiant les priorités de chaque partie prenante comme base d’élaboration d’une stratégie, l’état d’esprit de durabilité devient partie intégrante de la culture d’entreprise.

« Il s’agit de créer un engagement, d’amener des gens à vous suivre, de susciter leur participation, de s’assurer qu’ils peuvent également apporter leur contribution et vous accompagner tout au long du parcours. Avoir un service de développement durable complètement déconnecté du reste de l’entreprise peut être un pari risqué – la durabilité est l’affaire de tous et elle doit être intégrée à chaque service.

À l’EHL, cela signifie intégrer la durabilité dans la salle de classe et les travaux pratiques des étudiants. Cela signifie organiser des semaines de développement durable et offrir au personnel la possibilité de participer à des activités et d’assister à des conférences. Cela signifie encourager les étudiants à agir par eux-mêmes, par exemple, en créant un groupe de travail LGBTQIA+ dirigé par des étudiants sur le campus ou en faisant du bénévolat dans la communauté. Et parfois, cela signifie trouver des gains rapides très visibles, comme bannir les pailles en plastique, « ce qui permet aux gens d’apprécier notre effort collectif », ajoute Noémie.

De même, il est essentiel de tenir tout le monde informé. « Lui expliquer la voie que vous essayez de suivre et le fait que vous pourriez ne pas réussir immédiatement. Soyez vulnérable dans votre communication. Montrez que vous n’êtes pas parfait. »

Le résultat final est une entreprise pérenne, des employés engagés et heureux qui veulent travailler pour vous, une clientèle fidèle et un retour sur investissement financier à long terme. En d’autres termes, une entreprise qui travaille pour la planète, les gens et le profit. Qui trouverait à redire ?

D’un autre côté, les entreprises qui n’ont pas encore commencé à créer une stratégie de développement durable sont confrontées à un avenir incertain. L’action se fait attendre depuis trop longtemps, déclare Noémie : « Agissez, parce que vous êtes en retard ! »  

Si une entreprise veut être financièrement viable, aujourd’hui, elle doit également aborder la question de la durabilité environnementale et sociale. Il est impossible de ne pas se soucier de l’impact de son entreprise sur le monde. Sinon, selon moi, elle disparaîtra ; elle ne sera pas viable d’un point de vue financier. Pourquoi ? Parce que, de nos jours, l’approche d’une entreprise en matière d’écologie est inextricablement liée à sa rentabilité.
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