La gastronomie, cet art précis qui allie savoir-faire et science, se situe à l'intersection du goût, de la nutrition et de l'innovation. À travers les siècles, le fait de « faire la cuisine » a évolué bien au-delà de la simple préparation de nourriture pour devenir une quête perpétuelle d'excellence et de perfectionnement, où chaque plat est à la fois une œuvre d'art et une réponse technique à des désirs sensoriels et à des enjeux nutritifs. Cet univers culinaire, où chefs et gastronomes cherchent constamment à repousser les limites du possible, se trouve aujourd'hui au cœur d'une question fondamentale : qu'est-ce que le « bon » dans la cuisine moderne ? Comment « bien manger » peut-il concilier plaisir et nutrition ?
La contribution des sens à notre perception de ce qui est « bon » en gastronomie est fondamentale, chaque sens apportant sa propre dimension à l'expérience culinaire globale. Les interactions complexes entre le goût, l'odorat, la vue et le toucher enrichissent notre compréhension et appréciation des aliments, en influençant profondément nos préférences et jugements gastronomiques. Ainsi, le « bon », dans le contexte gastronomique, transcende la simple délectation des papilles et des yeux. Il s'agit d'une harmonie multisensorielle entre la qualité gustative, qui captive le gourmet, et la valeur nutritionnelle, essentielle pour « bien manger », qui respecte et nourrit le corps.
Cet équilibre entre plaisir et santé représente le rôle de la gastronomie contemporaine, cherchant à allier des saveurs exquises avec des principes de bien-être alimentaire. Ainsi, le « bon » se définit non seulement par la satisfaction immédiate qu'un plat peut procurer, mais aussi par ses contributions à une alimentation saine et équilibrée. C’est via ces sens que nous réconcilions les différentes interprétations et perceptions de plaisir, alliant ainsi toutes les notions de plaisir en gastronomie.
Christian Segui, MOF Charcutier-Traiteur et Chef Exécutif à l’EHL Hospitality Business School de Lausanne, nous partage sa vison du "bon" :
En gastronomie, le bon est synonyme de qualité de plaisir et se réfère généralement à ce qui est délicieux, savoureux et bien préparé, avec de bons ingrédients frais de saison et de qualité, ainsi que des techniques de cuisson précises, des associations de saveurs harmonieuses et une présentation attrayante car il faut également que ce soit visuellement bon !
Dans ce cadre, plusieurs problématiques se détachent :
Dans le monde de la gastronomie contemporaine, l'expérience client transcende de loin le simple acte de se nourrir ; elle se transforme en une quête d'expériences mémorables et personnalisées. À l'ère des réseaux sociaux et des critiques en ligne, les chefs sont désormais confrontés à des attentes croissantes. Chaque plat ne doit pas seulement satisfaire l'appétit, mais aussi éveiller les sens, raconter une histoire et respecter les préférences et restrictions alimentaires diverses. Les clients, de plus en plus exigeants, recherchent une cuisine qui non seulement stimule le palais, mais qui est également esthétique, originale et consciente des enjeux environnementaux et sanitaires.
Il existe par ailleurs une segmentation sur la variable du plaisir lors d’un repas gastronomique. Certains clients cherchent une expérience hédoniste, où chaque bouchée est une explosion de saveurs, tandis que d'autres privilégient une approche plus holistique, intégrant le bien-être et la durabilité. Les techniques de conservation jouent ici un rôle clé en permettant aux chefs de maintenir la qualité et la fraîcheur des ingrédients, tout en offrant des textures et des saveurs variées. Ces techniques, telles que la fermentation, la mise sous-vide et la congélation, assurent que les plats restent visuellement attrayants et nutritifs, répondant ainsi aux attentes élevées des clients pour une expérience gastronomique complète et enrichissante.
Pour naviguer dans ce paysage complexe, les chefs emploient diverses stratégies culinaires. Tout commence par le choix des ingrédients : privilégier la fraîcheur, la saisonnalité et la provenance, ce qui garantit non seulement le goût, mais aussi la durabilité du plat. Les techniques de cuisson et de conservation sont aussi en perpétuelle évolution. Les chefs explorent au-delà des méthodes traditionnelles pour incorporer des techniques modernes comme la cuisson à juste température, qui permet de préserver les saveurs et textures originales des aliments. La présentation des plats, quant à elle, joue un rôle crucial, car un plat visuellement attractif ajoute une dimension à l’expérience sensorielle de la dégustation.
L'utilisation de couleurs, la disposition géométrique et le jeu de textures sont des éléments visuels que les chefs utilisent pour captiver le client dès le premier regard. Cependant, la question de la conservation est également cruciale. Les techniques de conservation, comme la fermentation, la mise sous-vide et la congélation, permettent de préserver l'apparence et la qualité des ingrédients, garantissant ainsi des présentations visuellement attrayantes tout en maintenant les qualités gustatives et nutritives des produits.
Pour Cyrille Lecossois, Maître d'enseignement senior à l'EHL Hospitality Business School et Manager de l’Institut Nutrition R&D de l'EHL, le concept de « bien manger » découle intrinsèquement de la notion de « bon » :
Issu d'une famille semi-agricole, j'ai toujours mangé de bons produits et j’ai été élevé dans le respect de la nature, des animaux et des saisons. Pour moi, un bon produit est avant tout un produit de saison. Les aliments saisonniers sont naturellement sains, nutritifs et savoureux. Ce n’est pas anodin si la nature produit des produits spécifiques à des moments précis de l'année, cela répond à nos besoins nutritionnels et physiologiques. Par exemple, les asperges, disponibles au printemps, possèdent des propriétés dépuratives et détoxifiantes idéales après l'hiver. En été, les fruits riches en eau aident à l'hydratation. En hiver, les racines et les pommes de terre fournissent les fibres et les féculents nécessaires pour affronter le froid.
La qualité intrinsèque des produits : de l'importance de la fraîcheur et de l'origine des ingrédients
Dans le cadre de notre exploration de ce qui est considéré comme « bon » en gastronomie, il est essentiel de considérer la qualité intrinsèque des produits utilisés. La fraîcheur et l'origine des ingrédients jouent un rôle prépondérant dans la perception de la qualité d'un plat, influençant tant les qualités gustatives que nutritives des aliments.
La fraîcheur est souvent synonyme de qualité en cuisine. Des ingrédients fraîchement récoltés conservent plus de nutriments et offrent des saveurs plus vives et des textures plus satisfaisantes. Les produits frais sont essentiels pour élaborer des plats de qualité. En gastronomie, la capacité à sourcer et à utiliser des ingrédients frais est cruciale dans la définition du « bon ».
Cependant, la gastronomie intègre aussi des techniques de conservation sophistiquées, comme la fermentation, le séchage, la mise en conserve et la congélation, ainsi que des méthodes modernes comme la cuisson sous-vide. Ces techniques permettent de prolonger la durée de vie des produits tout en préservant leurs qualités nutritives et gustatives.
L'enjeu économique est significatif : réduire le gaspillage alimentaire, optimiser les coûts et garantir un approvisionnement constant en ingrédients de qualité. La maîtrise de la fraîcheur et de la conservation des produits assure que les plats restent savoureux et nutritifs, tout en répondant aux défis économiques et logistiques.
Parallèlement à la fraîcheur, l'origine des ingrédients est également un facteur déterminant de qualité. L'origine peut influencer le goût et la texture des produits en raison de variations dans les conditions de croissance, telles que le sol, le climat et les méthodes de culture. Par exemple, des tomates cultivées dans une région particulière peuvent avoir un profil de saveur distinct, ce qui peut être valorisé dans certains plats spécifiques. De plus, l'origine est souvent liée à des pratiques de production durables et éthiques, ce qui ajoute une valeur supplémentaire aux yeux des consommateurs et des chefs conscients des implications environnementales et sociales de leurs choix alimentaires.
Au restaurant 1893 de l'EHL Hospitality Business School à Lausanne, la fraîcheur et l’origine des ingrédients sont des critères majeurs. Les solutions innovantes de Cultifutura ont été implémentées et intégrées tant à l’expérience client qu’au cahier des charges pédagogiques. Ce partenariat marque ainsi une étape importante vers l'approvisionnement alimentaire durable du 1893. Les réactions positives soulignent les avantages d'avoir des ingrédients frais, locaux et de saison à portée de main. Elle offre également une expérience gastronomique unique aux clients, en mettant en avant le potentiel innovant de l'agriculture verticale.
L'attention portée à la fraîcheur et à l'origine des produits n'est pas seulement une question de goût, mais aussi de responsabilité. Elle reflète une prise de conscience croissante des impacts de notre alimentation sur notre santé et notre environnement. C'est pourquoi ces aspects sont essentiels pour comprendre et évaluer ce qui est considéré comme « bon » en cuisine, soulignant que la qualité des ingrédients est indissociable de l'excellence culinaire. En intégrant ces considérations dans notre analyse, nous pouvons mieux appréhender la complexité de la gastronomie et les multiples dimensions qui influencent la perception du « bon ».
Plusieurs chefs illustrent avec brio cette union de la créativité et de la maîtrise technique. Voici quelques exemples notables :
L'équilibre entre plaisir gustatif et bien-être nutritionnel représente un défi majeur dans le secteur culinaire. Les chefs doivent souvent naviguer entre les demandes de plats savoureux, parfois riches et indulgents, et la nécessité de proposer des options compatibles avec les intolérances et allergies. Cette exigence est exacerbée par une sensibilisation accrue aux liens entre alimentation et maladies chroniques comme le diabète, les maladies cardiaques et l'obésité. En outre, la montée des allergies alimentaires et des régimes spécifiques (sans gluten, sans lactose, etc.) complique davantage la tâche des professionnels de la cuisine. La gastronomie permet néanmoins de concilier plaisir et santé, en offrant aux consommateurs des expériences culinaires équilibrées qui répondent à la fois à leur désir d'indulgence et à leur besoin de bien-être.
La contribution des sens à notre jugement de ce qui est « bon » en gastronomie est fondamentale, chaque sens apportant sa propre dimension à l'expérience culinaire globale. Les interactions complexes entre le goût, l'odorat, la vue et le toucher enrichissent notre compréhension et appréciation des aliments, en influençant profondément nos préférences et jugements gastronomiques. C’est via ces sens que nous réconcilions les différentes interprétations et perceptions de plaisir, alliant ainsi toutes les notions de plaisir en gastronomie.
Ensemble, ces sens concoctent une recette complexe de réactions et d'interactions qui façonnent notre expérience culinaire. La manière dont un plat engage ces sens peut déterminer sa réussite ou son échec à être jugé « bon ». Chaque sens a son propre domaine d'influence, mais c'est leur union harmonieuse qui crée une expérience multisensorielle, enrichissant l'appréciation intérieure des saveurs et des textures.
Face à ces défis, plusieurs chefs et restaurateurs ont adopté des approches qui intègrent la nutrition sans compromettre le goût. Une des solutions réside dans l'intégration du végétal, qui non seulement répond aux besoins de clients avec des régimes spécifiques, mais offre également des bénéfices santé grâce à une consommation accrue de fruits, légumes et céréales complètes. L'utilisation de produits biologiques et locaux soutient non seulement la santé des clients mais aussi celle de l'écosystème local, en réduisant l'empreinte carbone et en favorisant la biodiversité.
L'intégration de ces pratiques alimentaires saines et savoureuses a un impact significatif sur la fidélisation des clients. Les consommateurs d'aujourd'hui valorisent les établissements qui considèrent leur santé et leur bien-être global. Des études montrent que les restaurants qui mettent en avant des menus sains et des ingrédients de qualité voient une augmentation de leur clientèle et de leur réputation, générant un cercle vertueux de fidélisation et de bouche-à-oreille positif. En outre, ces pratiques contribuent à améliorer l'image de marque des chefs et des restaurants, ceux-ci étant perçus comme responsables et soucieux du bien-être de leurs clients.
En somme, la capacité de concilier avec succès plaisir gustatif et habitudes alimentaires saines est devenue une compétence essentielle pour les professionnels de la gastronomie, non seulement pour répondre aux attentes des clients mais aussi pour contribuer de manière positive à la société en promouvant une alimentation bénéfique pour la santé. Cette démarche, qui allie éthique et plaisir, redéfinit les standards du « bon » en cuisine et établit de nouvelles normes dans l'industrie gastronomique.
L'éducation et la formation sont des piliers essentiels pour intégrer le concept de « bien manger » dans les pratiques gastronomiques professionnelles. Reconnaissant l'importance de la nutrition et des techniques culinaires saines, de nombreuses écoles de cuisine ont revu leurs programmes pour y inclure des modules dédiés à ces aspects. Les chefs et le personnel de cuisine ne sont plus seulement formés pour exceller dans les techniques traditionnelles mais sont également sensibilisés à l'impact de la nutrition sur la santé. Cette formation enrichie les encourage à utiliser des méthodes de cuisson qui préservent les nutriments, à choisir des ingrédients qui favorisent la santé (comme les grains entiers, les protéines maigres, et les graisses bénéfiques) et à réduire l'utilisation de composants moins sains comme les sucres ajoutés et les graisses saturées.
La notion de ce qui est « bon » en cuisine et en gastronomie est un sujet complexe et richement texturé, qui s'étend bien au-delà de la simple appréciation sensorielle. Ce terme, bien qu'apparemment simple, englobe une variété d'aspects qui vont de l'analyse sensorielle pure à des considérations culturelles, esthétiques et même morales. Lorsqu'on se penche sur ce qui définit la qualité en cuisine, on découvre une interconnexion profonde entre le goût personnel et les normes collectives, entre l'individuel et le social, et entre le naturel et le construit. Ces dimensions multiples permettent d'aborder la question du « bon » à travers plusieurs prismes analytiques : sensoriel, esthétique, culturel, technique, et éthique.
Chaque prisme offre une perspective distincte mais complémentaire, permettant une exploration holistique de la gastronomie. Ensemble, ils forment un cadre à travers lequel nous pouvons analyser et apprécier la complexité du « bon » en cuisine, un concept qui, loin d'être universellement défini, est profondément ancré dans des contextes individuels et collectifs divers.
Le secteur de la gastronomie est par ailleurs constamment influencé par des innovations qui facilitent la mise en œuvre de pratiques alimentaires saines. Les techniques culinaires avancées, telles que l'utilisation contrôlée de la température et des pressions de cuisson, permettent de transformer les textures et les saveurs des aliments pour rendre les plats plus attrayants, tout en conservant leurs bénéfices nutritionnels.
Les médias jouent un rôle crucial dans la popularisation des pratiques du « bien manger ». Les critiques gastronomiques, les blogueurs et les influenceurs sur les plateformes de réseaux sociaux ont le pouvoir de façonner les opinions publiques et d'orienter les tendances alimentaires. Lorsqu'ils mettent en avant des restaurants qui utilisent des ingrédients locaux et biologiques ou qui proposent des menus innovants et nutritifs, ils contribuent non seulement à accroître la notoriété de ces établissements, mais aussi à éduquer le public sur l'importance du « bien manger ».
Cependant, il est essentiel de garder un esprit critique quant à la véracité et à l'objectivité de toutes les sources médiatiques, car la promotion de certaines pratiques ou produits peut parfois être influencée par des intérêts commerciaux. De même, des émissions de télévision dédiées à la cuisine saine peuvent influencer de manière significative les habitudes alimentaires de la population en présentant des techniques de cuisine et des choix d'ingrédients qui favorisent une alimentation équilibrée.
En conclusion, l'intégration de la priorité de « bien manger » dans la gastronomie professionnelle nécessite une combinaison d'éducation, d'innovation et de communication. Par ces moyens, les chefs et les professionnels de la gastronomie ne se contentent pas de nourrir leurs clients ; ils contribuent activement à l'amélioration de leur santé et bien-être, redéfinissant ainsi les normes de l'industrie et élevant la gastronomie à un acte de responsabilité sociale.
Nous avons exploré la complexité et la richesse du concept de « bon » dans le domaine de la gastronomie, une notion qui se situe à la croisée du plaisir gustatif, du bien-être nutritionnel et de la préservation des ressources. Nous avons vu que l'art de concocter des plats savoureux qui répondent aux attentes des clients repose sur une combinaison de savoir-faire, de maîtrise technique et d'un choix méticuleux des ingrédients. L'équilibre entre le plaisir des sens et la santé a été identifié comme un défi central, nécessitant des chefs et des professionnels de la gastronomie de développer des stratégies innovantes pour concilier ces deux aspects. Enfin, l'intégration de la priorité de « bien manger » dans les pratiques professionnelles s'avère essentielle, soulignant l'importance de la formation, de l'innovation et de l'influence médiatique dans la promotion de pratiques alimentaires saines.
À l'avenir, la gastronomie pourrait continuer à évoluer sous l'impulsion des avancées technologiques et d'une prise de conscience accrue des enjeux environnementaux et sanitaires. Il est envisageable que les pratiques culinaires deviennent encore plus centrées sur la durabilité et l'éthique, avec une attention particulière à la gestion des déchets, à l'empreinte écologique des aliments et à leur provenance. Certains chefs, déjà engagés dans cette démarche, pourraient devenir des agents de changement au sein de l’industrie en promouvant des régimes qui favorisent la santé globale. De plus, la culture alimentaire pourrait se transformer, reflétant une intégration plus profonde des connaissances nutritionnelles dans les choix quotidiens des consommateurs. Ce virage pourrait potentiellement avoir un impact significatif sur la santé publique, réduisant la prévalence de maladies chroniques et améliorant la qualité de vie des populations.